Caserne Rullières |
Les effectifs du Fort avaient été allégés du fait d'une situation relativement calme dans le pays. Aussi, le Commandant du Génie, pressentant un soulèvement des Kabyles, proposa de diminuer l'enceinte à défendre car il ne serait pas possible d'assurer la défense des 2300 m et des 17 bastions de la fortification existante.
Un projet de Réduit, terme désignant le "dernier refuge d'une forteresse" en architecture défensive, est étudié à partir de 1868, 3 ans avant l'Insurrection.
Façade principale de la Caserne Rullières |
La caserne (fig. 16-17-18-19) prévue à l'origine pour 600 hommes se compose :
§ d’un demi-étage souterrain voûté renfermant des magasins des vivres, d'habillement, d'une salle d'escrime, et d'une citerne de 1260 m3 de capacité.
§ d’un rez-de-chaussée contenant le logement de 345 hommes, une manutention et un magasin aux farines.
§ d'un étage occupé par des chambres pour 291 hommes et d'une réservation dans la partie centrale du bâtiment pour former l’hôpital de siège.
Par la suite, le bâtiment accueille dans ses combles des logements supplémentaires.
Le Directeur du Génie approuve globalement le projet mais par souci d’économie il propose une réduction du bâtiment afin que la capacité se limite à 400 hommes, ajoutant qu’en temps normal une garnison de 300 hommes suffirait.[1]
(Note : En 1872 le Fort héberge 915 hommes et 118 chevaux. La caserne du Réduit permet d'augmenter ce nombre à 1300 hommes en tout à l'intérieur de la place[2]).
La caserne Rullière s'appuie sur le modèle de casernes à l'épreuve[3]de 1843, dont les principes d'aménagement découlent directement des magasins à poudre de VAUBAN, petits bâtiments voûtés à simple rez-de-chaussée résistant aux coups d'artillerie". Les ingénieurs ont ainsi utilisé ce système "sécuritaire" pour les logements des troupes en superposant des niveaux constitués de voûtes.
Dans les bâtiments de cette envergure, où se déplacent un grand nombre d'hommes, ce moyen permet de multiplier les escaliers et d'exclure les corridors "dans l'intérêt du service de paix, de la discipline de la vie intérieure du soldat et la conservation du bâtiment"[4].Le mouvement trop longtemps prolongé dans les intérieurs provoque des vibrations nuisibles à la solidité d'une bâtisse. Les masses et l'espace sont donc divisés pour atténuer cette cause de destruction.
Le Capitaine Belmas propose en 1823 d'associer le principe de séparation espace de vie/espace de circulation et le principe de distribution, pour une meilleure fonctionnalité des casernes. Chaque niveau est desservi par trois escaliers réalisés en pierre: un au centre et deux aux extrémités, reliés entre eux par une vaste circulation centrale qui coupe les chambres en deux. Chaque chambre devant être éclairée et ventilée par une fenêtre dans l'axe de la travée.
La caserne Rullière (fig. 21) est composée de neuf travées de 6,90 m séparées par des refends en briques de 0,70 m, et traversés par une circulation centrale de 1,50 m de large. Les escaliers, adossés à la façade arrière, font face aux trois entrées principales et se répartissent dans la travée du milieu et dans les avant-dernières travées extrêmes du bâtiment. Ils desservent uniquement le rez-de-chaussée, l'étage et les combles, l'accès au sous-sol semi-enterré se faisant en contrebas de l'édifice, par la façade arrière. Celui-ci n'est éclairé que partiellement par des ouverture placées dans les cinq travées centrales.
Les murs de façades, de 0,70 m d'épaisseur, sont réalisés en briques et le parement en moellons avec joints apparents. La ceinture du soubassement du rez-de-chaussée est en moellons appareillés.
Chaque baie qui la compose est axée dans une travée : l'encadrement et le linteau sont en briques, la clé de voûte et l'allège sont en pierre. Des meurtrières sont réparties de part et d'autre de cette ouverture et font office de ventilation des pièces.
Les planchers sont "classiques", de type métalliques, ils permettent un franchissement de grande portée et s'altèrent moins rapidement que le bois face aux problèmes d'humidité. Les petites voûtes réalisées avec un remplissage en hourdis de briques pleines ont l'avantage de résister aux surcharges considérables et sont moins coûteuses que les voûtes en maçonnerie.
Le plancher haut du sous-sol est l'unique ouvrage de la construction à être "voûté à l'épreuve". En effet, la règle pour les ingénieurs militaires est de ne construire des logements à l'épreuve que pour le tiers de l'effectif, soit comme dans le cas de notre édifice, le rez-de-chaussée seul pour un bâtiment de trois niveaux. La seconde raison tient du fait que cette solution est économique et simple à réaliser[5].
Cette disposition concerne plus précisément l'organisation de voûtes et de culées[6]. Ici, la disposition des voûtes se fait de manière transversale : celles-ci s'équilibrent deux à deux sur un même refend, ce qui oblige à contrebuter les pieds droits aux extrémités du bâtiment. Le retournement de ces trames permet de créer trois compartiments ou petits locaux exceptionnels en bout de bâtiment. L'avantage de ce système permet d'avoir une façade "libre" pouvant être percée à volonté.
Les matériaux utilisés pour les piliers de fondations de la caserne sont réalisés en béton de mortier hydraulique (chaux de Theil différente de la chaux du pays) à cause des terrains humides. Les pierres des fortifications, des différents casernements et des pavillons militaires proviennent des carrières d'Imaïsseren situées à proximité de Fort-National.
Les combles simples en bois sont posés sur les deux murs de façades. le type de la toiture se plie aux conditions climatiques avec ses deux pentes pour faire face aux intempéries hivernales, son revêtement est en tuiles.
Les chiens assis sont, au même titre que les baies, placés dans l'axe de chaque travée, les cheminées sont disposées entre-axe, ce qui produit un ordonnancement rigoureux des 4 façades.
[1] SHAT, Carton 1H604, Fort-Napoléon, Projets pour 1868-1869, Projet de répartition et d'affectation des chambres de la caserne du Réduit, 1er octobre 1875.
[2] SHAT, Carton 1H604, Fort-Napoléon, Art 3, n°31, translation à Fort-National du chef-lieu de la circonscription de Dellys.
[3] Caserne à l'épreuve : édifice conçu pour permettre aux hommes et au matériel de résister aux projectiles en cas de siège.
[4] DALLEMAGNE, op.cit.
[5] DALLEMAGNE, op.cit.
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