vendredi 14 janvier 2022

Carte de l'Algérie divisée par tribus - 1846


Cette carte exceptionnelle de 1846 recense toutes les tribus du territoire algérien. C'est un travail inégalé à ce jour et qui a servi à de nombreuses études ultérieures.

Réalisée en 1846 par Ernest Carette et Auguste Warnier - membres de la Commission Scientifique, elle offre une impressionnante quantité d'informations, détaillant toutes les tribus du territoire. 

Les frontières actuelles de l'Algérie ne sont pas encore établies. La légende indique que l'Algérie est composée de 2 ensembles : le Tell au Nord et le Sahara au Sud.

source https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b72002410

Sur ce plan, la Kabylie apparait "Indépendante" puisque la conquête totale ne débute qu'à partir de 1844 pour aboutir à l'étape décisive de la prise de Souk el Arba et la création de Fort-Napoléon en 1857.

La carte est légendée avec un index mots arabes utilisés dans la carte et traduits en français, donnant une idée du contexte de travail de ces scientifiques explorant ce vaste territoire, apprenant, découvrant, et restituant dans la foulée la géographie, la sociologie, les langages...



En bas à droite de la carte figure un plan d'ensemble de la Méditerranée montrant notamment les frontières de l'Algérie, de l'Empire du Maroc et de la Régence de Tunis.

source https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b72002410


jeudi 13 janvier 2022

La Confédération des Ath Irathen - 1857

"Cette carte a été établie d’après un plan en relief dressé sur renseignements
par M. Bonnefont, Lieutenant adjoint, au bureau arabe de Tizi ouzou."


La confédération tribale était une unité politique rassemblant plusieurs tribus et ne se mobilisait que pour les guerres de grande ampleur. Les tribus ne faisant pas partie d’une confédération pouvaient se regrouper sous une direction commune lors d’un conflit important envers un ennemi extérieur.

Les ATH IRATHEN formaient une confédération de 5 tribus : Ait Irdjen, Ait Oumalou, Ait Ousamer, Ait Akerma, Ait Aggouacha.
L’un des aspects essentiels de l’identité de chaque tribu était d’avoir un ancêtre commun, sorte de héros lointain dont les exploits le désignaient comme fondateur.

TERRITOIRE D’UNE CONFEDERATION:

Les tribus et les confédérations de tribus étaient attachées à un territoire bien défini, délimité par des rivières, des crêtes ou failles qui découpent les chaines de montagnes. Le territoire était contraint par les modes de déplacement à pied ou à dos d’âne et les accidents de relief, ce qui limitait le cadre de vie et d’échanges pour la plupart des habitants.
L’appartenance à une confédération relevait d’une forme de prestige, d’un rattachement à un nom. L’existence de certaines confédérations est attestée dès le début du 14e s. par Ibn Khaldoun.
D’après la « carte de la tribu des Beni Raten » de1857, on peut voir que le territoire des Ath Irathen était clairement délimité par l’Oued Sebaou au Nord, « Tassif nath Aissi » à l’Ouest, « Ighzer n’ Tleghlought » à l’Est. La frontière Sud avec les Ait-Menguellet est moins nette.

ORGANISATION D’UNE CONFEDERATION:

« Une assemblée formée des principaux leaders des tribus fédérées et des plus prestigieux marabouts, se donnait une direction et assignait aux uns et aux autres le soin de veiller à la préparation tactique des combats et aux problèmes d’intendance. Mais en aucun cas, les contingents de tribus ne se mélangeaient et chaque tribu, voire chaque village pouvait combattre séparément pour défendre l’objectif qui lui avait été assigné.
C’était l’occasion de défis entres les groupes, à qui tiendrait telle position ou gagnerait tel combat. Ces défis de prouesse portent le nom de « Timechekerrit » (A. Mahé)

TERRITOIRE D’UNE TRIBU :

Le territoire tribal répond aux mêmes critères que pour la confédération mais à plus petite échelle. Par exemple, les Ath Ousameur occupent tout le versant Sud de la ligne de crête jusqu’à Assif nath Aissi ; les Ath Oumalou occupent tout le versant Nord jusqu’à la vallée, etc…

ORGANISATION DE LA TRIBU :

Contrairement à la confédération, la tribu a une organisation plus stable. Son assemblée composée des assemblées restreintes des villages la composant se réunissait de façon plus régulière et pas uniquement pour les situations de conflits ou guerres. 

Ci aprés un redécoupage de la carte de 1857 montrant la délimitation de chaque tribu. A. Mahé dans son "Histoire de la Grande Kabylie - 19e et 20e s." a présenté un recensement effectué en 1873 des villages et populations de chaque tribu. 




 




LES MARCHÉS / SOUK EL ARBA, AU CŒUR DU TERRITOIRE DES ATH IRATHEN :

Marché kabyle de Fort-National - "recueil scènes et types d'Algérie" - Gallica BNF


Les marchés de tribus étaient le seul espace intertribal commun dans lequel les tribus pouvaient exercer une justice collective stable et permanente.
Pour éviter tout conflit et débordement, au vu des affluences de population et de densité des échanges, la tribu propriétaire du marché devait y organiser une police et une administration rigoureuse. De même qu’elle devait protection (l’anaya) à tous ceux qui se rendaient au marché.
Les crimes et délits étaient sévèrement punis, jusqu’à la lapidation initiée par le maitre du marché, car il en allait de la réputation de la tribu propriétaire du marché.

La tribu des Ath Irathen possédait 3 marchés sur son territoire :
Souk el Had, sur le territoire des Ath Irdjen, à proximité de Oued Aissi
Souk el Tlata, sur le territoire des Ath Akerma, à proximité de l’Oued Sebaou
Souk el Larba, sur le territoire des Ath Oumalou, à l’exact centre du territoire des Ath Irathen. C’est ce marché intertribal, le plus important qui fut choisi pour fonder le FORT NAPOLEON. 

Sources :
- Territoires : « Carte du Pays des Béni Raten , 1857 » ( j’ai surligné le nom des tribus et les marchés) - SHD Vincennes
- Organisation des tribus et marchés « Histoire de la Grande Kabylie - 19e et 20e s. » Alain Mahé 2001 ed. Bouchène)

mardi 20 avril 2021

Fort-National sur les cartes précurseurs


Les "cartes précurseurs" ou "cartes nuages" désignent couramment les premières cartes postales illustrées éditées à partir de 1897. Elles se caractérisent par une photo entourée d'un halo blanc destiné à écrire le message. 
L'écriture au dos de la carte était interdite qui était réservé à l'adresse du destinataire afin de faciliter le travail des premiers facteurs... 
Ce n'est qu'à partir de 1904 que les cartes à dos divisé font leur apparition : côté gauche pour la correspondance; côté droit pour l'adresse.



Ces cartes postales offrent des vues rares de la ville permettant de retracer le processus de développement de la ville.

Les photos sont de Jean Geiser et Joseph Boussuges, deux photographes qui ont contribué à constituer un fond photographique très important, partout en Algérie. Geiser était établi à Alger et a laissé un fonds important consultable sur Gallica. Boussuges était établi à Fort-National, puis au Maroc. 

  
En arrivant de Tizi-Ouzou à Fort-National, on ne voit que les fortifications. Le village n'apparaît que lorsqu'on est entré dans l'enceinte. Il est entièrement européen. Si l'on excepte les établissements militaires, il ne compte que quelques maisons, rangées le long d'une rue unique sur le flanc Nord-Est du mamelon couronné par la citadelle. 
Les constructions s'élèvent seulement du côté d'amont, ce qui ménage complètement la vue en aval. Tout l'espace libre compris dans l'intérieur des remparts est planté d'arbres, de sorte que les bâtiments paraissent enfouis dans la verdure."

"Huit Jours en Kabylie" de F. Charvériat - 1889. (source Gallica)  

Sur cette carte de 1902, seul l'un des côtés de la rue principale, Rue Colonel Amirouche, ex Randon, est édifié. Cette photo est prise au niveau de l'Hotel de France qui n'existe pas encore à droite. Le soleil du matin inonde largement la rue encore bordée de nombreux arbres.

L'Hôtel des Touristes, l'un des édifices les plus photographiés de Fort-National. 
"Après avoir déjeuné à l'hôtel des Touristes, l'unique hôtel du lieu, nous sortons, malgré la chaleur, pour aller visiter le village et ses environs immédiats. C'est jour de marché kabyle, ce qui nous procure le plus curieux des spectacles." 

"Huit Jours en Kabylie" de F. Charvériat - 1889. (source Gallica)  

Vue du Régiment des Zouaves à l'entrée de la ville. La ville est encore abondamment boisée, presque méconnaissable. Les bâtisses à droites sont ceux de la rampe menant à la rue d'en haut. En arrière plan à gauche, on reconnait la Caserne Voirol. 






dimanche 12 juillet 2020

La Caserne Voirol

La Caserne Voirol - également nommée Warolles sur certains documents - désigne un quartier militaire situé sur le plus haut plateau du Fort. Il regroupe trois grands pavillons d'officiers supérieurs et neufs baraquements pour les troupes.

Entamée dés l'origine du Fort en 1857, la construction de tous les bâtiments s'achève vers 1880. (sources : SHAT )
Les pavillons d'officiers, situés dans le bastion 17 ont été démolis à la fin des années 60 pour laisser place aux logements de fonction de l'actuelle gendarmerie.
Les baraquements des troupes ont perduré mais n'ont jamais été rénovés. A l'état de ruine depuis la fin des années 90, ils ont été rasés en 2012.
Repérage de la Caserne Voirol 
CONSTRUCTION : 

Les quartiers d'infanterie apparaissent en très grand nombre dés le premier projet de Fort-Napoléon datant de 1857. Situés sur un haut plateau de la citadelle, ils occupent le terrain le plus adéquat pour accueillir de longues bâtisses de plain-pied.
Vue des casernements Voirol
Extrait de gravure tirée de 'L'Illustration" - env. 1865


Vue des baraquements des troupes à gauche et des 3 pavillons d'officiers dans le fond.
La muraille est à droite - hors champs.
Carte datant des années 1950/60 (éditeur Epa)
Baraquements de la Caserne "Warolles"
Carte datant probablement des années 1900 (uniformes)

Durant la Première Guerre Mondiale, la France y a envoyé une partie des 10 000 prisonniers allemands détenus répartis entre le Maroc, l'Algérie et la Tunisie, comme en témoigne la carte ci-dessous.






QUALITÉ ARCHITECTURALE ET PAYSAGÈRE : 

Sur le plan de Fort-Napoléon de 1857, c'est une logique de remplissage qui guide les ingénieurs du Génie dans leur projet d'implantation. La composition des bâtiments, disposés en peigne, redan, rangés parallèlement ou perpendiculairement à la muraille, suit les principe de Vauban, mettant en rapport la fonctionnalité spatiale et le système défensif, dans un souci de rentabilisation du terrain.

Dés le projet suivant, le nombre de baraques est réajusté suivant les besoins réels de la garnison.
La Caserne Voirol trouve sa forme définitive dés 1859 en une suite de bâtisses parallèles entre elles et perpendiculaires à la muraille.

D'un point de vue architectural, cette composition simple conjuguée à la qualité exceptionnelle du site - plateau surplombant le paysage offre une qualité spatiale indéniable.


 Variété des rythmes 
Vues cadrées et accentuées par la perspective crée par la longueur des bâtiments

L'alternance "vide/plein" des bâtiments en peigne face à la muraille rythme la promenade le long de la muraille. 


Dans notre projet de fin d'études d'architecture, ce quartier était destiné à la création d'un Centre de Formation à l'Artisanat Berbère, qui pouvait devenir un lieu de production, de vente et d'exposition.
Le lieu s'y prêtait merveilleusement tant par la configuration des bâtiments et leurs cours communes, que par le vis à vis au ciel et au Djurdjura source inépuisable d'inspiration.



Article publié en 2013, MAJ en 2020 (prisonniers allemands)

mercredi 1 juillet 2020

Fort-National années 70, vue par Jean-Etienne LE ROUX


Voici quelques clichés de la ville, prises par M. Jean-Etienne LE ROUX, professeur au CEM (collège) de Fort-National entre 1969 et 1974 durant ses années de coopération. 
Avec son épouse Dany, et leur collègue M. René CHATEAUDON, ils ont marqué des générations d'élèves qu'ils ont ouvert à la culture, par le biais de la musique, la lecture et le cinéma. 



M. LE ROUX a eu la gentillesse de me transmettre ces quelques informations, en attendant la parution d'un livre sur ses années de coopération en Kabylie. 
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Originaire de Centre-le Bocage dans le Finistère, M. LE ROUX et sa femme sont allés à Fort-National dans le cadre de la coopération en 1969 pour enseigner le français et la géographie (du Maghreb me précise-t-il). Les 2 ans prévus deviendront 5ans.
Dés 1970, il crée une chorale polyphonique ayant constaté de nombreuses similitudes entre les mélopées kabyles et bretonnes. Formé au conservatoire il s'est attelé à la collecte de chants, leur transcription et leur harmonisation pour la chorale. 

Un bon nombre de leurs anciens élèves ont gardé contact avec eux et organisent des rencontres annuelles pour les revoir. Un groupe sur facebook, nommé "Les Anciens du CEG" a été crée par un de leurs anciens élèves, Kamel BENBESSI, devenu professeur à son tour, avec les mêmes valeurs de transmission d'une culture artistique. 

 



 










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samedi 6 juin 2020

L'Hotel des Postes - 1934





Au début de la colonisation de l'Algérie, la Poste et le Télégraphe ne sont utilisés que par les militaires à des fins de contrôle et de communication du territoire algérien. 
A partir de 1840, les PTT s'étendent aux civils européens des villes avec un service de courrier 4 fois par jours. 
En 1860, les bureaux sont progressivement déployé dans les villages et fermes de colonisation, mais avec une répartition très inégalitaire : en 1901, les communes de plein exercice où résident 9/10e de la population européenne comptent 1 bureau de poste pour 51 km² alors qu'en zone rurale, le ratio est de 1 pour 560 km².

Ce n'est qu'à partir des années 1920 que le réseau postal se tournera vers les usagers algériens, "identifiées comme réservoir de clients potentiels", comme en Kabylie ou l'exode vers la France est important. Les services postaux leurs étaient déjà accessibles mais le coût d'envoi de courriers ou télégrammes étaient prohibitifs. ( source : A.LACROIX, " La Poste au douar, Usagers non citoyens et Etat colonial dans les campagnes algériennes de la fin du 19es à la Seconde Guerre Mondiale". Cairn.Info) 

Premier "Postes et Télégraphes", rue Randon, actuelle rue Colonel Amirouche

"Dès le milieu des années 1920, le bureau de poste de Fort-National (Larbaa Nath Irathen), en Grande-Kabylie, rapporte à l’État plus de 60 000 francs de bénéfices annuels. Au cours des dix premiers mois de l’année 1926, il transmet 21 500 communications téléphoniques et paie 15 700 mandats."  (A. LACROIX. Ibid)
Collection P. De la Péraudière _ Delcampe.net

Construction d'un Hotel des Postes en 1934

C'est dans ce contexte de développement du réseau postal qu'est décidé la construction d'un "Hôtel des Postes", marquant l'importance symbolique de cet équipement. Il remplacerait le premier bureau des Postes et Télégraphes situé dans un local commercial de la rue principale.


Hotel des Postes Fort-National 1934

La Poste, années 1950

La construction d'un nouveau bureau de Poste est évoquée en décembre 1931 dans un comptes rendu des délégations financières algériennes - section kabyle.



Ce n'est qu'en mai 1934 que sa construction est entreprise. L'édifice bénéficie même d'une publication dans la revue "CHANTIERS" d'octobre 1934. Il sera d'ailleurs le seul bâtiment de Fort-National à y être mentionné et détaillé.