dimanche 27 octobre 2013

"Souk el Arba", le marché du Mercredi des Ath Irathen

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« Le souk est un lieu de réunion qui a pour le Kabyle des attraits irrésistibles et semble aussi nécessaire à sa vie que l’air qu’il respire. » 

« Le nom de chaque marché rappelle celui de la tribu propriétaire et le jour de la semaine où il se tient. On dit le ‘’samedi des Aït Yahia’’, le ‘’dimanche des Irdjen’’, le « mercredi des Ait Ouasifs ».
Extraits de La Kabylie et les Coutumes Kabyles, d’Hanoteau et Letourneux – 1893.




Le marché de Fort-National, avec en arrière plan la muraille du Fort, dans les années 1950
Le Fort-Napoléon a été construit à "Souk el Arba", terrain neutre à la croisée de plusieurs crêtes et territoires. C'était le cœur de la tribu des Ath Irathen et un important lieu de décisions inter-tribales. 
Après la construction du Fort, le marché se tenait à proximité du Fort, entre la Porte du Djurdjura et Tizi n'Semlal, sur la route descendant vers Ait Oumalou. 

En dehors de son importance économique et sociale, le marché kabyle et son "réseau" sont une donnée essentielle pour comprendre la logique spatiale pré-coloniale.
Le "réseau soukier" observe une répartition équilibrée sur l'ensemble du territoire de chaque tribu. Un ordre cyclique permet qu'un marché quotidien soit en activité. Il est situé sur un lieu commun et remarquable, sans privilégier ni nuire à aucun village alentour. (source : Urbanisation et Organisation de l'espace montagnard. Cas de Larbaa N'at Iraten, une commune du Djurdjura. 
Mouloud CHEGRANI, EPAU d'ALGER, Avril 1988.) 

Vue Opposée de la carte précédente, où on peut voir en arrière plan, la Ferme de Lugon-Moulin à Tizi n'Semlal,
Pour illustrer le marché kabyle, j'ai choisi 2 ouvrages de référence offrant des points de vue différents et complémentaires : -"La Kabylie et les coutumes Kabyles" d'Hanoteau et Letourneux : le regard étranger de deux militaires ethnographes sur la société kabyle en 1893, intéressant par ses descriptions détaillées sur l'organisation sociale kabyle.
-"Jours de Kabylie" de Mouloud Feraoun : le regard, critique, amusé, simple d'un kabyle sur ses compatriotes en 1968.



"La Kabylie et les coutumes Kabyles" d'Hanoteau et Letourneux

« Le nom de chaque marché rappelle celui de la tribu propriétaire et le jour de la semaine où il se tient. On dit le ‘’samedi des Aït Yahia’’, le ‘’dimanche des Irdjen’’, le « mercredi des Ait Ouasifs ».

Les villages kabyles n’ont pas de marchands de détails chez lesquels on puisse acheter, à toute heure, les objets de consommation journalière. Les provisions de la famille doivent se faire au marché, qui se tiennent en dehors des lieux habités.

Aussi, ces centres de commerces sont très nombreux. Chacun d’eux a lieu régulièrement chaque semaine, à jour fixe et sur un emplacement connu. Il est peu de villages d’où l’on ne puisse se rendre chaque jour à un marché, sans parcourir une très grande distance.

Le souk est un lieu de réunion qui a pour le Kabyle des attraits irrésistibles et semble aussi nécessaire à sa vie que l’air qu’il respire.

Il trouve à y satisfaire tous les besoins, objet de ses préoccupations habituelles.

C’est là qu’il connaît les cours (prix) des denrées, vend ses produits, achète ce qui est nécessaire à sa famille, à son commerce ou à son industrie.

C’est là que les marabouts éclairent sa foi religieuse et lui font connaître l’époque des fêtes, le jour où commence et le jour où finit le jeûne du ramadhan.

C’est là qu’il entend publier les défenses de voyager, les appels aux armes, les bans de récoltes et tous les actes qui intéressent la communauté.

C’est là encore qu’il recueille les nouvelles politiques, dont il est avide, et qu’il va ensuite colporter et commenter dans sa djemâa.

C’est là que se discutent devant lui, les affaires générales du pays, les intérêts du çof, de la tribu, de la confédération. »


"Le souk est la propriété d’une tribu, quelquefois, mais rarement de deux. Le prix d’achat du terrain est réparti entre les villages, et dans chaque village, par maison, suivant les règles observées pour les impôts en argent.

Souvent, le sol est abandonné gratuitement par des propriétaires désireux de popularité.

Avant d’établir un nouveau marché, la tribu doit obtenir l’agrément des tribus voisines et choisir un jour qui ne nuise pas aux droits acquis.

Les marchés sont placés à proximité d’un cours d’eau ou d’une fontaine et autant que possible, dans le voisinage d’arbres qui procurent une ombre agréable ; un souk est toujours plus fréquenté lorsqu’on peut y passer la journée sans être incommodé par la chaleur."



"Chaque espèce de denrées est mise en vente sur un emplacement spécial, appelé "rab'ha".
Les boucheries occupent toujours le quartier le plus étendu." (l'appelation correcte kabyle pour l'emplacement est "rahva" et non "rab'ha")



"Sur la plupart des souk on vend et l'on achète toute espèce de marchandises. Quelques-uns cependant sont plus spécialement consacrés à certains produits. 

D'autres sont connus par des usages exceptionnels. On savait autrefois, dans tout le pays, qu'au "Samedi des Ait Yahia" et au "Vendredi des Ak'bil", les animaux étaient vendus sans garantie des vices rédhibitoires. " (On ne pouvait pas obtenir le remboursement de l'animal acheté si on découvrait une maladie grave ou d'autres anomalies)"



Carte rare montrant un caravane de dromadaires. Ils apportaient du sel de gemme du Sahara, denrée précieuse et prisée des montagnards qui l'échangeaient aux hommes du Sud contre de l'huile d'olive et des figues sèches.
A SUIVRE ... Jours de Kabylie

1 commentaire:

  1. Merci Lynda Ouar pour ce fonds d'archives que je qualifie de magistral !

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