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Suite à la prise de Souk el Arba le 24 juin 1857, les chefs de la tribu des Ath Irathen furent contraints de livrer des otages en gage de soumission. Les 62 otages furent détenus au fort Bab-Azoun à Alger.
L'article "Les Béni-Iraten" paru dans l'Illustration de Juillet 1857 s'attache à décrire la tribu, son territoire, ses caractéristiques, faisant aussi référence à une description d'Ibn Khaldoun.
Quelques otages, dont deux chefs influents des Ath Irathen, sont choisis pour illustrer "les types des différentes têtes" des populations "kébaïles".
L'article est retranscrit intégralement en bas de page.
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Mise en page générale |
L'article :
" Les Beni-Iraten
Le Tizi-Ouzou, le Col des Genêts en berbère, est
dans la direction d’Alger à Bougie, la vraie porte de la Kébaïlie ; de
tous les points par lesquels on peut entrer dans ce difficile pays, c’est
incontestablement le plus facile.
Les Romains l’avaient reconnu aussi bien que
nous, et de leur temps il était traversé par la grande voie qui leur avait
servi à contenir les montagnards djerdjeriens.
Le nouvel établissement de Tizi-Ouzou, le point
d’appui le plus important de nos opérations en Kébaïlie, n’était, il y a encore
peu de temps, qu’une simple maison de commandement. Aujourd’hui il a acquis,
sous l’influence de circonstances passagères, il est vrai, presque l’importance
d’une ville, on vient de le mettre en rapport avec Alger par un service
régulier de voitures : la distance est de 95 kilomètres.
Si de Tizi-Ouzou les regards se portent vers l’Orient,
ils parcourent toute la belle et large vallée de l’Ouêd-Sebaou, qui coupe, pour
ainsi dire, la Kébaïlie en deux parties : à gauche, ils s’arrêtent sur la
longue chaîne littorale qui va de Delhi( ?) à Bougie ; à droite sur les deniers ressauts de tous les
contre-forts qu’envoient au loin les hautes cimes du Djerdjera, et les plateaux
profondément ravinés du territoire des Zouaoua, ressauts escarpés, aux pentes
abruptes, tout hérissés de roches, plongeant sur la vallée comme pour défendre
l’accès des régions intérieures.
Parmi les populations installées sur ces versants
et ces groupes plus ou moins roides, plus ou moins tourmenté, se trouvent les
Beni-Iraten ou, comme nous les appelons communément, Beni-Raten, la rencontre
des deux voyelles en ayant fait disparaître une, l’initiale, du mot le plus car
il faut écrire et dire Iraten, comme le disent les indigènes eux-même.
Leur territoire, limité au nord par l’Ouêd-Sebaou,
resseré à l’est et à l’ouest par deux affluents de cette rivière, est, du reste
peu étendu ; il représente tout au plus 16 000 hectares. La partie la
plus haute du pays est au sud ; c’est une crête assez allongée, dont le
point culminant est connu sous le nom d’Abou-Dîd, et d’où partent deux chaînons
secondaires qui, s’éloignant l’un de l’autre jusqu’à leur terme, donnent à la
charpente générale du sol la forme d’un Y incliné à gauche. J’ai dit en
commençant que le Tizi-Ouzou était l’une des portes de la Kébaïlie ; les
Beni-Iraten, dont le territoire commence à 8 ou 10 kilomètres de là, s’en sont
pour ainsi dire, regardés comme les gardiens à toutes les époques de leur
histoire ; et il faut dire qu’ils ont noblement rempli ce rôle volontaire.
Voici ce que dit d’eux un écrivain arabe du
quinzième siècle, Ibn-Khaldoun. On les retrouvera, dans ce passage, ce qu’ils
se sont montrés il y a quelques jours à peine.
« Les Beni-Raten occupent, avec les
Beni-Fraousen, leurs voisins, les montagnes situées entre Bougie et Delhi ( ?).
C’est une retraite des plus difficiles à abordé, des plus faciles à défendre ;
aussi bravent-ils de là la puissance du gouvernement de Bougie, et ils ne
paient l’impôt qu’autant que cela leur convient.
De nos jours, ils se tiennent sur cette cime
élevée, et défient les forces du sultan, bien qu’ils en reconnaissent l’autorité.
Leur nom est même inscrit sur les registres de l’administration comme tribu
soumise à l’impôt.
Sous la dynastie sanhadjienne, ce peuple tenait
un rang très distingué autant durant la guerre que pendant la paix. Il avait
mérité cet honneur en se montrant l’allié fidèle de la tribu de Ketama depuis
le commencement de l’empire fatémide ».
A cette époque, il est vrai, ils étaient
beaucoup plus puissants. On se rappelle quelle est l’étendue de leurs
territoires ; c’est tout ce que leur ont laissé les guerres intestines et
les empiètements des Turks. Sur cette surface vivent dans 31 villages, 20 à
22000 âmes qui comptent environ 7000 fantassins armés.
Il faut avouer que quand on a eu devant soi les
premiers soldats de l’Europe, il eût été assez singulier d’être arrêté par de
telles forces,
fussent-elles augmentées
des contingents fournis par les tribus voisines.
En enlevant toutes les positions des Beni-Raten
avec cet entrain que l’on sait , en dominant le pays après quelques heures de
combats, nos soldats ont montré une fois de plus que, s’ils ne dédaignent aucun
adversaire, ils savent triompher facilement des résistances les plus
opiniâtres. A l’heure qu’il est les Beni Raten ont abandonné toute idée d’indépendance,
et la construction du Fort-Napoléon au centre de leur pays, leur apprendra qu’il
ne leur reste plus qu’à se rallier franchement à nous, en imprimant à leur
énergie, à leurs travaux, une direction utile et profitable pour tous.
La tribu a « donné comme gage de sa
soumission soixante deux otages qui viennent d’être enfermés au fort Bab-Azoun
, à Alger. C’est parmi eux que M. Lauret a choisi les types des différentes
têtes qui accompagnent cet article.
Les Beni-Iraten ont le type de toutes les populations
kébaïles, type dans lequel on reconnaît toujours celui de la race berbère, mais
un peu vague, légèrement effacé, incertain peut-être, comme lorsque les traits
ont gardé les traces de plus d’un mélange.
A les voir dans l’immobilité de l’attente, ils
ont d’assez bonnes figures, si voisines de celles de nos races européennes qu’on
leur donnerait évidemment, avec de tout autres costumes, une toute autre
origine ; et cependant, au premier abord, l’ensemble de leur physique a un
caractère de dureté qui frappe, empreinte éternelle laissée sur leurs fronts
comme un stigmate par le rude travail qui est le partage de toute leur
existence.
Ce labeur de la montagne n’est pas celui de la
plaine, où tout est facile : là, il faut lutter contre une nature qui fait
chèrement payer ce qu’elle donne avec une parcimonie étrange ; il faut s’armer
sans cesse de courage et de patience ; aussi est-ce là le caractère
distinctif du montagnard qui acquiert avec peine, mais qui sent ainsi bien plus
vivement le prix de ce qu’il a acquis, et qui, habitué à surmonter les
obstacles, enhardi par la position, confond bientôt son travail avec la grande
indépendance d’action dont il a tant besoin, toujours prêt d’ailleurs à
défendre l’une et l’autre avec la même énergie. » O. Mac-Carthy. L’Illustration. juil. 1857